Il me semble propice d'appeler principe de réalisation tout phénomène qui participe à la dégradation d'un système. Il n'y a de conservation que dans l'idéalisme, dans cette sorte de fiction qui résulte d'une croyance en la substance par delà ses contingences. Alors qu'est ce que cet état moral et physiologique que nous nommons le bonheur ?
Naïvement on voudrait lui prêter les traits d'une finalité, d'un exercice renouvelé et similaire, quelque chose de statique, de sûr et d'incorruptible. Mais n'importe quel système en mesure de manifester son état de réalisation optimum exprimera une synthèse d'évènements tout à fait différents. Imaginons l'ordre, sa parfaite prévisibilité, sa continuité, son bon sens, et maintenant, imaginons que cet ordre devienne désordre. Est-ce la nature de cet état qui le rend si insupportable ? La nature, et l'homme dans une moindre mesure, ne s'accommode-t-elle pas de cette nouvelle linéarité ? A vrai dire il me paraît plus honnête, plus réel de croire que vouloir agir sur le désordre participe d'une ambition primale, celle de ne jamais laisser un système se stabiliser. L'humaine nature que nous voulons si construite, si achevée n'en demeure pas moins changeante, et la conscience elle même n'existe que par l'intermédiaire de déclinaisons successives, de superpositions, et de modifications infimes des dispositions de l'esprit.
Peut-être que le problème du bonheur est irrésoluble. Et dans la mesure ou nous n'avons pas à attendre d'un état qu'il nous amène à un complétude parfaite, le bonheur ne peut-être qu'indéfiniment en mouvement, comme les vagues qui sans jamais adopter le même relief, organisent et donnent corps à la mer éternelle. Mais la société des hommes ne peut se satisfaire que d'objectifs bornés, de réalisations limitées au sens et à la mesure d'une composition ponctuée d'intervalles relatifs.Nous glissons sur la vie, étroits et fragiles, en n'osant jamais vraiment assumer la polymorphie de l'existence. Alors que le temps, que nous imaginons juste et mortel se permet toutes les fantaisies, il s'assoie, disparaît, s'envole jusqu'au firmament, et n'a de l'homme jamais blessé les rêves.
Quelque chose d'irrégulier, d'absolu et d'extraordinaire dort sur nos
lèvres, c'est un livre dont les mots rient de la grammaire, se
sont détournés de la structure. L'insensé
y voit toutes les opportunités, la matière et l'esprit
réunis en une cascade d'évènement imprévisibles
et sauvages, du bruit, du feu, l'impossible raison de la folie, et
les autres savent tout en le condamnant, qu'ils regretteront jusqu'au
dernier souffle son extrême réalité.
Je le crois aussi.