L'utopie de la communication est devenue une illusion quantitative, la liberté, la prise de conscience de l'altérité, l'ouverture, la compréhension sont fonctions d'indices mesurables dont l'élaboration, et, de fait, la propriété échappent de façon assez paradoxale à la "communication" telle qu'elle est définie comme relation intersubjective.
N'ayant de la communication que les résultats (ON communique pour VOUS), ces instantanés finissent par prendre sens et se traduisent par l'adoption du dialogue comme méthode de réception d'information, dialoguer c'est être averti et dans le coup, communiquer c'est savoir se maintenir à flot dans le courant toujours croissant des informations. Et comme ce flot ne circule à présent qu'à travers les technologies destinées à améliorer son débit, rien ne distingue plus l'information de son support, les soins apportés aux techniques étant aussi indéniables que la pauvreté de la réciprocité dans les échanges.
Affiches,
annonces, déclarations, alertes, publications et notes, avec
pour triste compensation d'avoir sa visibilité à soi,
de plaquer un commentaire bien senti, de fantasmer le rapprochement
de quelques pixels à peine, ou bien d'avoir son approbation
comme un badge, ou un pin's, punaiser son consentement et son
affinité. Et
bénéficier d'une petite hausse de l'estime de soi en
constatant qu'on a probablement diffusé un peu d'information.
Mais
à quelle fin ? Si la discussion est un examen attentif de ce
que l'autre énonce, non comme un fait à enregistrer,
mais comme matière brute à travailler, n'est-ce pas
invraisemblable de voir la liberté de communiquer devenir la
liberté de "coller des évidences qui n'en sont pas
juste pour le plaisir de susciter l'envie chez autrui de faire la
même chose" ?