Tu délires, je suis pas croyant mais ce que tu racontes c'est du pur délire.
- Et moi je te répète que Dieu est une femme, c'est comme ça.
Je me ressers un verre de Gin, un sourire narquois à son intention.
- Bon, d'accord. T'as une nouvelle lubie Fred. T'as pas du Gini ?
Fred se lève et ouvre le frigo. Depuis sa séparation, nous étions tous persuadés qu'il profiterait de sa nouvelle garçonnière pour se changer les idées. Nada. Fred s'etait trouvé une occupation moins débridée.
- On avait déconné la dernière fois avec les potes, mais tu dois admettre que tu nous tendais une grosse perche !
- Vous vous êtes bien foutus de ma gueule, ouais. C'est votre manque d'esprit critique. Vous avalez tout ce que les médias balancent.
- Moi j'avale rien, personne ne me dit ce que je dois penser ou croire. Je te répète que je crois en que dalle. Et encore moins en des types qui sont persuadés que la terre est plate.
Fred s'agaçe. Pendant plusieurs mois, il nous a défendu cette théorie de la terre plate à grands renforts de vidéos youtube, et d'exemples pseudo-scientifiques mal compris. Pour finir par désavouer entièrement ses affirmations.
- Joachim, t'es un connard, tu le sais ça ? Tu la remets sur le tapis, alors que j'ai déjà expliqué vingt fois que la terre plate c'était une erreur. Cette fois c'est béton, ça n'a rien à voir.
- Tu as des preuves ?
- Les théosophes.
- Je vais avoir besoin d'un autre verre.
Fred interpréte ma demande comme une invitation à poursuivre et son visage s'illumine.
- On va se mettre d'accord tout de suite sur un truc.
Il ouvre un tiroir et en tire une feuille blanche et un stylo.
- Là, c'est toi et moi.
- Ton niveau de dessin m'impressionnera toujours.
Les deux amis éclatent de rire. Fred reprend :
- Tu vois cette feuille ? C'est Dieu.
- T'es sérieux ? C'est ça ta démonstration. Mec...
Je retiens difficilement un nouvel éclat de rire. Cette fois Fred ne rit pas.
- La feuille, c'est... Dieu. Peu importe ce que tu es, ce que tu penses, tu seras toujours sur cette feuille. Et peu importe ton "esprit critique" tu ne comprendras jamais ce qu'est vraiment la feuille, ni ce qui se trouve autour.
Il montre la pièce dans un grand geste circulaire. Je regarde l'heure sur mon portable. Trop tard pour lui proposer un film ou d'allumer la console. Tristesse.
- Ca s'arrete pas là. Comme je te disais, les théosophes c'est une sorte de secte qui proposait de considérer la création dans son entièreté : La nature, Dieu, les hommes, les mystères, les symboles, et de pouvoir y accéder sans églises, sans prêtres, juste par l'intuition.
- OK, je vois. Donc hier t'étais aux chiottes, à te demander comment font les reptiliens pour vivre sous terre alors qu'ils ont le sang froid, puis d'un seul coup tu as eu une épiphanie; "Dieu est une femme" tu t'es dis, juste avant de reprendre la lecture d'un des livres merdiques dont Fanny t'a fait cadeau en partant ?
- Oui. A peu de choses près.
- Je suis désolé Fred... Sincèrement. Fanny était une salope, mais une salope que tu aimais. Et que tu ne peux pas t'empêcher d'aimer encore. Cette relation t'a fait des bleus, mec. Tu dérailles de plus en plus, où est passé le Fredo qui nous racontait, exalté, ses voyages ? Maintenant c'est à peine si tu sors de chez toi pour les courses et le boulot.
T'étais un passionné !
- Joachim, je le suis toujours ! J'ai juste décidé de mettre de l'ordre dans mes priorités. Tu peux pas me blâmer d'avoir mis de côté des hobbies quand même ? Je ne peux plus vivre en faisant semblant que tout ça n'existe pas.
- Tout ça quoi ?
- Le sens de la vie. Tout ce qui explique que le monde n'est pas juste ce que l'on voit ou apprend à l'école. Les choses inexpliquées, la spiritualité, les anciennes civilisations, la liste est longue !
- Mais le sens de la vie c'est déjà d'être heureux, non ? J'ai pas raison dis ? Et tu fous quoi de tes soirées sur Internet ? Tu vois pas que toutes ces foutaises sont écrites par des frustrés ? Des frustrés de l'amour, des frustrés de la vie intellectuelle, des frustrés de n'avoir jamais réussi à composer avec le réel ?
Rien n'est plus déprimant que deux amis qui ne se comprennent plus. Fred grince des dents, le regard mauvais. Il prend une grande inspiration et souffle lentement les yeux fermés.
- Ton problème Joachim. C'est que tu n'as aucune attache.
C'était dit sans méchanceté, mais Fred savait exactement à quel point il faisait mouche.
Plaçant mon verre hors de portée de ma main avide, il se lève et vient s'asseoir juste en face de moi sur la table basse.
- Tu ne crois en rien. Croire te semble un geste idiot, et peut-être même malade si je vais jusqu'au bout de ta pensée. Dès que quelque chose repose sur une part de croyance, de foi, tu te dépêches de le bannir de ton système de vie. C'est pour toi que je m'inquiète le plus dans le groupe. Les autres ont tous de bonnes raisons de faire parfois des choses qui n'ont pas de sens, sur la seule base de ce qu'ils y projetent. Toi, jamais. Rien qu'au collège, les intellos, les sportifs, les branleurs, les racailles, les dragueurs, ceux qui fumaient en cachette derrière le bâtiment de techno, les gamins qui jouaient avec leur figurine warhammer près de la salle polyvalente. T'étais nulle part Joachim. T'as jamais été que toi, tout seul. Tu piochais là où ça te semblait utile, tu rejettais tout le reste. Et aucune histoire prenait sur toi.
- Tu exagères. J'avais des potes au collège, on passait nos après-midi sur la nintendo 64 à jouer à Goldeneye 007. Et pour le reste, bah. Laisse moi finir mon verre, reprendre ma veste et rentrer chez moi.
Pour associer le geste à parole, je me lève, ramasse mes affaires et me dirige vers la porte.
- Joachim. Donne moi tes clés. C'est samedi soir, t'as trop bu, les flics vont être partout.
Je me retourne :
- Non mec, je crois pas que ce soit une bonne idée. J'émets des ondes delta négatives. Tu risques de ne pas arriver à te connecter avec ton ange gardien ou une connerie du genre. Comment tu dis déjà ? Les annales à tchic a tchic a tchic ?
- Les annales akashiques.
Je me souviens parfaitement du nom exact. C'est pathétique mais j'ai envie de le vexer. Tout en remarquant que ça commence à faire effet, je rajoute :
- Oh et si jamais tu pars pour un voyage astral cette nuit, passe par chez Fanny, son nouveau mec est un collègue de mon frère, et d'après ce qu'il raconte, elle a rapidement repris ses marques au pieu. Ben quoi ? Tu fais la gueule ? On peut plus rigoler ?
- T'es vraiment trop con.
Fred me pousse violemment vers la sortie. La différence de corpulence entre nous deux est nettement en sa faveur. Il ferme la porte derrière moi et j'entends distinctement ses trois verrous cliqueter.
Je manque de m'écrouler dans le couloir de l'immeuble et me rattrape à la sonnette du voisin. La plaie. J'ai passé l'âge de faire des blagues douteuses à 2 heures du matin. Tant pis, je cours me réfugier dans l'asenseur qui donne directement sur l'enfilade de portes.
"Merde !" la porte met une éternité à se refermer. Celle du voisin réveillé, en revanche, s'ouvre avec fracas. La silouhette apparaît juste au moment où la voix digitale annonce la descente et la fermeture de l'asenseur.
"Espèce d'enfoiré ! C'est toi qui a réveillé mes gosses ?" ai-je le temps d'entendre avant que le vrombissement de la machinerie étouffe ses menaces.
Six étages. Pas de quoi s'affoler, mais dans le doute, autant foncer à la bagnole. Est-ce que Fred avait entendu ? Il doit être persuadé que je l'ai fait exprès. Je rentre. Mes clés. Le contact. Une soirée moyenne en définitive.
Je prends soin d'éviter les endroits qui abritent le plus souvent une patrouille de police. Ronds points en périphérie de la ville juste avant une insertion sur nationale. Routes annexes aux avenues principales. Et bien sûr, les zones sensibles : gares, zones d'activité et quartiers "prioritaires". La blague, cette appelation. Les pauvres ont toujours le droit à des sigles plus valorisant que ce qu'ils veulent dire. Et les riches c'est exactement l'inverse. "Optimisation fiscale" pour de la fraude sophistiquée. Ca me parle. Je bosse dans le secteur.
Mon Audi A1 accélère sur la N20, le limiteur de vitesse bloqué à 130. L'avantage de pouvoir occuper mon esprit avec autre chose jusqu'au prochain radar fixe.
Quel gachis, pensé-je. Fred est en train de laisser filer les plus belles années de sa vie. Ca me réconforte dans mon idée qu'il faut en avoir perdu le fil pour s'intéresser à ces alternatives. Des croyances en guise d'espoir. De l'espoir qui ne mène à rien sinon à penser que le réel est une supercherie. Le désir de l'après-monde, de l'ailleurs, du transcendantal, une véritable insulte pour la vie.
Mais c'est mon ami. Ca me fait mal de le voir s'effacer derrière ce rideau de fumée.
Direction Paris, à hauteur de Longjumeau, je ne regarde plus vraiment la route, mais reste fixé sur le tableau de bord.
Les chiffres, les jauges, les informations numériques. La lumière. Quand j'ai bu, je peux rester longtemps à fixer la lumière. Perdu dans cette contemplation abstraite, j'ai à peine le temps de sentir mes doigts se crisper sur le volant au moment où je relève la tête.
Un véhicule de sécurité, avec ses ampoules éblouissantes dessinant une flèche sur la gauche. Un bruit affreux, le cri d'agonie d'un monstre de métal. La sensation de mon corps que l'on transperce, avec une lenteur mesurée, étrangement. Les sons qui se déforment, puis se réduisent à un sifflement. Après quoi, plus rien. Le vide.
J'ai conscience du vide à nouveau. Et le vide fait comme un espace autour de moi.
Tiens ? Pas de douleurs particulières. Je me sens même plutôt bien. Tout est calme. Je reconstitue rationnellement les évènements. Je rentrais chez moi en voiture. Il y a eu un choc. J'ai eu un accident.
Cette pensée ne soulève aucun sentiment. Mes facultés intellectuelles semblent préservées.
"Viens"
- Pardon ? tenté-je. Mais l'injonction n'était pas un son. Plutôt comme une poussée dans mon dos. Une impulsion bienveillante.
Je regarde mes pieds, mes bras, mes jambes. L'image est confuse. Mais je peux avancer, je sens que je me déplace, il suffit que je le veuille.
Très loin dans le vide, l'obscurité s'épaissit de presque tous les côtés. Seule une grande porte semble jaillir de l'ombre, avec ses arrêtes d'où pulsent de chaudes ondes lumineuses
"Viens"
Encore cette voix. J'y vais.
En me rapprochant, j'observe d'autres types comme moi. Comme mon propre corps. Des formes approximatives mais dont les détails apparaissent si je suis plus attentif. Je ressens des conversations, des craintes, des questions.
Pour ma part, ma curiosité a pris le pas. Et toujours cette injonction qui m'ordonne d'avancer.
La porte est immense, deux grands battants sculptées dans une matière organique, noueuse, et qui semble retenir la lumière au-delà.
"Joachim"
Cette fois la "voix" provient d'au dessus de moi.
- Enchantée Joachim, je suis Eryn, dit l'étrange créature ailée qui flotte à quelques mètres du sol.
Surpris, j'essaye de trouver quelque chose à répondre :
- Vous êtes un ange ? bredouillé-je.
La créature descend en silence jusqu'à positionner son visage en face du mien.
- Je suis... Elle rit. Tu ne comprendrais pas... Je suis un ange, oui.
Elle sourit chaleureusement, mais ses yeux se plissent comme pour dire pardon. Elle rajoute :
- En fonction des... sensibilités, il peut arriver qu'on vous ménage en arrivant ici. Avec toi, je serai directe. Tu as quitté la terre pour de bon.
- J'avais compris.
- Comprendre et accepter sont deux choses différentes.
Elle se souleve légèrement puis retombe pour de bon.
Je suis subjugué par son corps qui n'est ni nu, ni vêtu. Pourtant il semble habillé de dessins et de mouvements subtiles. Un détail concentre toute mon attention :
- Mais, vous n'avez qu'une aile ! Dis-je en pointant du doigt la partie manquante.
- J'apparais sous la forme que je souhaite. Une aile, deux ailes, trois ailes, quelle importance ?
- C'est de l'iconographie de base. Un ange doit avoir des ailes. Et si je me souviens bien, plus on monte dans la hiérarchie divine, plus on a d'ailes. Jusqu'à neuf pour les Séraphins non ?
L'ange s'amuse de ma question.
- Du savoir biblique chez un pragmatique comme toi ? C'est surprenant.
- Des bandes dessinées japonaises surtout. Et des jeux vidéos. Attendez, c'est pas un couloir de lumière qu'il y a derrière la porte ? Je vais me réincarner après être passé à travers sept cercles ? demandé-je par provocation.
Elle approche et je vois son sourire s'élargir tandis qu'elle prend mes mains dans les siennes. Elles irradient la bienveillance. Cela m'ôte toute envie de sarcasmes.
- Les ailes, comme les portes, dit-elle en plongeant dans mes yeux, n'ont de valeurs qu'au regard de ce qu'elles parviennent à cacher. Et certains symboles ont aussi cette fonction. Est-ce que tu comprends Joachim ?
Je sens qu'elle sonde mon regard, qu'elle souhaite du fond du coeur y trouver quelque chose.
- J'aimerai que tu comprennes, j'aimerai que tu saches et qu'il te soit permis de les réunir tous... les 108.
Elle se ravise et ferme longuement les yeux. Sur son corps, les arabesques se simplifient en des motifs géométriques réguliers. Elle a l'air déçue.
Le calme qu'elle vient de diffuser en moi circule encore lorsque la grande porte coulisse lentement sur ses gonds. Tous les êtres présents s'y dirigent. Je fais mine d'avancer à mon tour.
- Pas toi, me dit Eryn. Nous avons d'autres projets.
- Je ne suis pas vraiment mort c'est ça ?
- Je suis désolée. Tu es bel et bien mort, répond-elle. Viens, suis-moi.
Je la suis à contre-coeur, sentant intuitivement que cette porte m'aurait donné satisfaction. Les âmes s'y précipitent, accompagnées tout comme moi d'un "demi-ange". Cette pensée amusante me distraie un peu. Qui aurait cru que les animés japonais avaient raison.
Eryn ne se retourne pas une seule fois. Le décor ne change pas. Nous avançons dans le vide, avec l'imperceptible sensation de nous rapprocher de quelque chose de colossal et significatif, comme dans certains rêves.
Soudain Eryn se fige. A l'horizon, j'ai l'impression de reconnaître des constructions sur un fond lumineux.
"Reste proche de moi" m'envoie Eryn.
Sans avoir fait le moindre mouvement, tout l'horizon se dilate. Il change brutalement de dimension et, comme aspirés vers nous, les maisons comme les rues traversent l'espace et viennent se poser à nos pieds. Ou alors c'est nous qui avons jaillit vers elle. Cette vision donne le vertige.
- A partir d'ici, Joachim, dit-elle beaucoup plus solennellement, plus de faux-semblants, de traits d'esprit, de dérision. Ton esprit doit être limpide. Accepte le, sans dissimuler tes pensées les plus sombres, tes hontes, tes peurs.
Les dessins se démultiplient en d'infinies fractales, qui comptent plus de dimensions que mon esprit ne peut en comprendre. Je regarde, fasciné. L'ensemble, en apparence chaotique, obéit à un agencement parfait. La régularité des motifs est indécelable, si ce n'est cette évidence qui émane d'Eryn.
- Très bien, je ferai comme vous voulez, dis-je.
Après s'être assurée de ma prudence, Eryn m'emmène jusqu'à une maison un peu plus loin. Je suis tout de suite frappé par la présence de dizaines de personnnes aux fenêtres, sur ce qui semble être une terrasse à l'étage, et même dans la rue.
J'allais dire quelque chose quand Eryn se retourne :
- Je sais. Mais il n'est pas nécessaire de toujours tout savoir. Accepte également cet état de fait. Ne dis rien. Lave ton esprit de ces questions. Nous allons simplement traverser.
Il me faut un temps pour encaisser cette nouvelle donnée sans chercher à l'analyser. En silence, je regarde l'ange et j'acquiesse.
Nous passons à travers ce qui semble être une grande fête. Des apéritifs disposés sur des tables dehors, de la musique. Des jeunes, la vingtaine, dansent et boivent en se frottant les uns aux autres. Il y a même une piscine sur la terrasse carrelée.
Personne ne fait attention à nous. Depuis la terrasse, je vois que la maison possède un bois, qui s'étend loin vers ce qui semble être une petite colline. Je n'ai pas le temps de prolonger mon observation qu'Eryn me pousse vers l'escalier qui permet d'accéder au jardin. Nous croisons encore quelques groupes qui discutent où jouent avec des ballons. La légèreté de la vie se lit sur leurs visages.
Des souvenirs de soirées d'été me reviennent. Je les chasse rapidement, conscient de la mise en guarde d'Eryn. Désormais, nous sommes seuls à nous avancer dans le bois. L'atmosphère a entièrement changé. Les arbres invitent au recueillement. La nature forme une membrane imperméable aux coeurs dispersés, aux esprits trompeurs. En passant à travers, je me sens scrupuleusement examiné, puis validé.
Pour autant, le sentiment d'être insignifiant m'envahit totalement.
Devant nous, une petite colline, au pied de laquelle se trouve une cavité plus longue que haute.
Je peine à garder mon calme. Quelque chose d'énorme va arriver. Quelque chose qui me dépasse complètement.
Eryn s'est métamorphosée. D'innombrables ailes forment une couronne autour de son corps. Ce corps n'est plus du tout matériel. Ce qui le composait, les formes, les mouvements, flotte en un nuage dense parcouru d'éclairs.
Je distingue des silouhettes dans la caverne. Des personnes, certaines debout d'autres allongées, ou adossées au mur. Et au centre, un trône où l'un d'eux est assis. Les ailes d'Eryn se mettent à tourner autour de son corps comme des électrons autour d'un atome. Si vite que leur passage forme une ombre qui parvient à bloquer non seulement la lumière, mais aussi la force écrasante qui se dégage de la caverne.
En une fraction de seconde. Je me retrouve téléporté à l'entrée. Eryn fait barrage entre celle-ci et moi-même. Cela n'empêche pas la force qui en provient d'envahir tout ce que je suis. Le temps se fige durant un moment qui me semble interminable.
Alors seulement la créature vaporeuse redevient l'ange Eryn et me laisse voir distinctement ce qui se trouve à l'intérieur
Immédiatement, l'énergie du personnage central capte mon regard. Il s'agit d'un homme. Les angles de son visage, sa barbe et ses cheveux longs, lui donnent un air d'autorité suprême. Mais ce qui me captive vraiment, ce sont ses yeux. Je n'avais jamais rien vu, ni imaginé qui soit aussi intense.
La profondeur de son regard me boulverse. Des émotions très différentes m'envahissent. Je peux lire dans son regard toute la vanité du monde. Ma peur est mêlé à des sentiments plus complexes. Je suis ébloui par la perfection de sa présence, qui me fait comprendre l'insignifiance de mes pires travers, de mes regrets, des actes et pensées dont j'ai honte.
Comme si toute chose avait un dessein. Et ce dessein, c'était justement ce regard là.
Aucune réaction, bien que toutes les personnes de la caverne m'aient vu. il s'écoule un long moment avant que la scène se mettent en mouvement, que me parviennent des mots. Des conversations. Le personnage central tourne la tête. Ses lèvres ne remuent pas. Il s'adresse à la femme allongée sur une grande étoffe verte. Il parvient également, je le sens, à continuer de me fixer.
JOACHIM
SON VRAI VISAGE
NOUS VOULIONS VOIR
MAIS LE REFLET EST FAIBLE
ELOHIM
JEZEBEL
REGARDEZ LE
OUI
IL DOIT
RENCONTRER
MERE
TROP FAIBLE
ELLE SOMMEILLE
ENCORE
Les mots s'imposent à moi avec tellement de force que si ça continue mon esprit va lâcher. Ils sont aussi consistants que de gigantesques montagnes. Je les sens pénétrer à travers mon enveloppe. Me déchirer ! Je les contiens difficilement. La souffrance est terrible.
L'image du personnage central enfle comme un ballon, ses proportions m'écrasent, et pourtant il est toujours assis sur son trône en bois. Il n'a fait aucun geste depuis mon arrivée !
IL NE PEUT PAS RESTER
QUELLE EST SA VOLONTÉ ?
ELLE A DÉCIDÉ
DE LE LAISSER VOIR
- Eryn ! Crié-je, je ne sais pas ce qui se passe, je ne peux... plus... continuer.
L'ange s'approche et m'aide à me remettre debout. La souffrance redevient supportables pendant un instant.
- Reste. C'est inévitable. Mère est sortie de son sommeil pour toi.
- M... Mère ? demandé-je déboussolé.
- Elle a plusieurs noms, dit Eryn en se mettant à genoux face à la grotte. Dieu est l'un d'entre-eux. Mais son vrai nom, elle te le révèlera elle-même.
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
JOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOA
MJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJO
IMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJ
HIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIM
CHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHI
ACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACH
OACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOACHIMJOAC
J'ouvre les yeux. Je suis allongé sur le sol.
- Crois bien que je suis désolée de t'infliger ça, dit une voix féminine.
Je suis abasourdi. La sensation de mon corps m'est revenue soudainement. La pesanteur sur mes muscles. Je scrute mes mains en détails. Plus de contours flous. Je me relève d'un bond et demande :
- Où sont passées les gens dans la grotte ? Et l'ange ?
En posant ma question je m'aperçois que la femme est bien plus grande que moi, ses proportions sont les mêmes qu'une femme ordinaire mais à une échelle supérieure.
- La vache ! Vous êtes une sorte de... divinité ? L'image d'une déesse géante scandinave surgit dans mes pensées.
Alors que je m'attends à voir d'autres enchantement la transformer ou la faire se déplacer d'une façon supra-naturelle, la femme, qui me semble d'ailleurs moins jeune que ne sonne sa voix, vient à ma rencontre en se cognant à deux reprises contre la table présente dans la pièce.
Le comique de la situation me pousse à sourire bêtement. Elle s'en aperçoit et sourit à son tour.
- Prend une chaise Joachim, dit-elle en me la désignant, puis elle rajoute une fois que je suis assis :
- Maintenant je vais répondre à tes questions, mais je dois te prévenir, il ne reste plus beaucoup de temps.
- De temps avant quoi ? l'interrogé-je.
Ses cheveux sont comme la nacre, d'un blanc qui s'irise à la lumière.
- Certaines réponses viendront plus tard. Sais-tu qui je suis ?
- La vierge Marie ? hésité-je.
Son rire me confirma la stupidité de ma réponse.
- C'est amusant comme vos histoires deviennent des mythes, et vos mythes de l'Histoire.
Toujours debout, je me rends seulement compte qu'elle est habillée d'une façon très ordinaire. Elle pose une main sur la table et se penche pour murmurer :
- Je suis Namira. Ou si tu préfères... l'Eve originelle. Je suis à l'origine de toute la création, et des hommes.
- Il me semble pourtant... , commencé-je, il me semble pourtant que c'est Dieu qui est à l'origine des hommes !
- Depuis les prémices de l'humanité, de nombreux signes ont permis aux hommes d'avoir connaissance de la nature intentionnelle de la création. J'ai toujours désiré que votre espèce sache. Mais les signes sont propices à des interprétations très larges.
- Et les prophètes ? L'ancien testament ?
- C'est une écriture particulièrement égocentrique de l'histoire. D'autres peuples ont eux-aussi écrit l'histoire divine sous des formes différentes. Certains se sont plus approchés de la vérité que d'autres.
- Et vous avez laissé faire et croire n'importe quoi ?
- Il n'était pas nécessaire de rendre évidente leur interprétation des signes. L'histoire des hommes ne regarde que les hommes. Certaines vérité sont d'ailleurs... insupportables.
D'un geste, elle élève sa main et trace dans l'air une forme compliquée. Un point s'élargit alors jusqu'à former une petite bille noire. A nouveau, l'oppression ressentit dans la grotte se diffuse violemment.
- Non ! Enlevez-ça ! Je vous en supplie ! m'écrié-je.
Namira referme sa main et la repose sur sa hanche.
- L'esprit aussi est un corps, déclare-t-elle, avec ses propres limites. Je te promets de ne plus recommencer.
Des tremblements agitent encore mes genoux.
- Merci... C'est effroyable et fascinant. Comme... comme des corps accidentés... mais tellement plus insoutenables.
- Tu devrais boire un peu.
La pensée que ce verre n'existe que dans mon imagination ou par le produit d'un artifice me consterne, mais je bois quand même. Je brûle d'envie de poser plusieurs questions.
OK. Vous êtes Dieu. Vous avez créé le monde, l'espace, les hommes, les moustiques, Stephen Hawking. Mais vous, d'où vous venez ? Et puis, sérieusement, pourquoi tant d'efforts ?
- Laisse moi te raconter brièvement cette histoire : Au début, je ne dirai pas qu'il n'y avait rien. Car je suis incapable de répondre à la question de l'origine. Je sais que je fus. Spontanément. C'est tout.
J'avais un corps immatériel et matériel. Rapidement, j'ai pris conscience des possibilités que m'offrait la pensée créatrice. Chaque désir, chaque forme, se cristallisait dans le monde physique. C'était merveilleux. Car, vois-tu, j'étais seule.
La solitude est un sentiment que je partage avec les hommes.
- Mais si je comprends bien, l'interrompé-je, vous n'êtes pas arrivée de nulle part, ce que les hommes appellent Dieu pourrait tout aussi bien être votre créateur ?
- Cela se pourrait, oui. Mais rien ne s'est jamais manifesté à moi, si ce n'est une impulsion de plus en plus forte à créer. Alors j'ai travaillé à l'agencement du cosmos. La parfaite danse des astres m'a donné beaucoup de satisfaction. Pendant un temps.
Puis je me suis lassée. J'ai voulu partager mes talents. Sous mes doigts, j'ai modelé des êtres doués de facultés extra-ordinaires, ce sont les vrais-miroirs, faits à mon image.
- Des... femmes ?
- Si l'on veut. En tout cas, les vrais-miroirs ont servi de modèle aux premiers êtres que nous avons subordonnés aux lois de l'univers. C'était, pour moi, il y a quelques fractions de seconde, et le souvenir de ce temps me remplit de chagrin.
- Ca n'a pas marché comme vous le vouliez ? demandé-je.
Namira croisa les bras sur sa poitrine.
- Les premières femmes démontrèrent un talent prodigieux pour exploiter leur propre potentiel. Elles s'adonnèrent à des arts mystérieux dont la beauté parvenait jusqu'à moi, elles s'aimèrent sans heurts, sans les principes réducteurs de vos lois humaines. Mais, cette volupté finit par me conduire à vouloir autre chose.
J'ai désiré connaître une race plus habile à l'exploration, une race qui prendrait moins soin des siens, mais que l'hostilité et le chaos du monde ne découragerait pas. Je voulais être distraite. C'était ma première erreur. A la suite de cette erreur, j'ai engendré une race complémentaire mais plus faible, plus... destructrice. Celle des hommes.
- Je ne comprends pas. Qu'est ce qui vous empêchait de corriger la race existante, de lui ajouter ces qualités plutôt que d'en créer une autre ? D'ailleurs, pourquoi ne pas avoir créé des êtres parfaits dès le départ ?
- Te souviens-tu de la sphère de tout à l'heure ?
- Oui... dis-je avec un frisson mauvais.
- Il y a toute une... "métaphysique" à laquelle je suis astreinte moi aussi. Une économie de la toute-puissance si tu préfères. Lorsque je crée, je perds quelque chose, sans qu'il me soit possible de te l'expliquer en termes concevables.
Je hoche la tête sans rien comprendre du tout.
Les hommes et les femmes s'unirent. C'était essentiel qu'il n'aient plus besoin de moi pour proliférer. Je trouvais une grande satisfaction à les voir créer à leur tour. Comme tu t'en doutes. Les hommes ont progressivement façonné les sociétés humaines selon leurs passions. Et les femmes ont gardé cette place qui les satisfaisaient autrefois. Quant à moi. J'ai connu de nombreux doutes. Les humains se sont répandus dans l'univers, mais leurs désirs croissants les ont emmenés à ne plus vivre en harmonie.
Attendez, ce n'est pas un brin misogyne ?
- Comme je te disais, l'histoire de l'humanité ne regarde qu'elle. Soit dit en passant, il réside en chaque femme une trace du mystère des origines. Car elles partagent quelque chose de moi. Les sociétés humaines sont peu de chose au regard de ce mystère.
- N'empêche que... rajouté-je, mais Namira m'arrêta dans mon élan.
- Il y a eu, et il y aura des situations plus favorables.
- Soit. L'humanité d'aujourd'hui est la même que celle dont vous parlez ?
- Plusieurs milliers de générations se sont succédées, répond Namira, jusqu'à ce que tout soit repris à zéro il y a 500 000 ans. L'univers s'est résorbé et a tout effacé.
- L'univers ? Et vous étiez encore là ?
Namira lève brusquement la tête et fixe son regard loin au delà des murs.
- Tu dois partir. Maintenant. déclare-t-elle avec virulence.
Comme une sentinelle, elle se lève et répète :
- Adieu, Joachim. Il est temps de nous dire au revoir.
- Mais je ne sais même pas pourquoi vous vouliez me voir !
Les murs s'effondrent et des bourrasques font éclater la chaise et la table contre les débris. Je m'accroupis pour ne pas tomber.
- TROUVE LES 108, hurle Namira le visage crispé.
Mon chéri ? Il a ouvert les yeux !
Ma tête me fait mal. Avec peine j'ouvre un oeil, puis l'autre. J'entrevois une femme penché sur moi. Et deux autres personnes derrière elle. La nausée est si forte que je rends tout le contenu de mon estomac.
Je n'ai pas loupé le chemisier fleuri de la femme au premier plan. Ce qui ne semble pas lui poser de problème.
- Mon amour. J'étais si inquiète !
Elle s'essuye distraitement avec une petite serviette en papier.
- Tu m'as tellement manqué... Tu verras on sera heureux à nouveau. Ce sera toi et moi pour la vie !
Et sur ces mots, elle m'embrasse le front. Je ne comprends toujours pas ce qu'il m'arrive.
A peine ai-je réussi à distinguer son visage que je dois réprimer un nouveau renvoi de dégoût, d'horreur ! Mais bordel, dites moi que je rêve.
- J'ai une très mauvaise nouvelle. Sois fort mon chéri. Ecoute-moi. Joachim a eu un accident. Il est décédé la nuit dernière. Mais ce n'est pas de ta faute, tu n'y es vraiment pour rien.
Les autres personnes dans la pièce semble attendre une réaction qui ne vient pas. Leurs sourires consolateurs disparaissent à mesure que le mien se déforme de terreur.
- Avec ton père, dit la vieille femme trop maquillée, on voulait te dire qu'on est là pour toi. On pensait pas que ça allait si mal. Faut plus faire ça, hein José qu'il faut plus qu'il prenne de médicaments comme ça,
Elle donne un coup de coude dans les côtes du grand chauve.
- Oui, bien sûr. Ta mère l'a bien dit. Hum, il s'éclaircit la voix, tu... tu peux compter sur nous Freddy.
"Bordel, Fred !" pensé-je, avant que Fanny ne m'étouffe de ses bras potelées.