La joie féroce

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Peut-être que la félicité est pour eux un naturel inévitable, et les oiseaux eux-mêmes ne chantent que du langage.
Peut-être que le mal et le bien sont des habits de circonstance, dont se drape l'aisance pour ne jamais se sentir chagrin.

La dignité cependant me fait dire méchamment, que le bonheur est d'abord volonté, désir suprême du déclin et de la création.
Sont-ils aimés, ceux qui s'aiment en faisant l'économie de se connaître ?

Remue la terre, le ciel ne sert qu'à faire des ombres et des fantômes, et à fournir aux dépourvus des raisons de s'ennorgueillir, car ils pensent à l'envers, et prêtent au vide les vertus du vent !
Alors que tu dois savoir, le vent est puissant et doux, tu dois être son frère, et apprendre à souffler sur tes amis, et ne pas craindre de réchauffer l'adversité.
N'aie pas peur de te salir en fouillant le sol, les vérités croupissent là où l'eau peu profonde semble pure, ne s'y abreuvent que les êtres fatigués de vivre.
Ecoute, mais ne dis jamais ce que le vent te murmure. Il n'appartient qu'à toi ce chant sacré.
Et par sacré je n'entends pas ce qui est lointain et impossible, mais ce qui est la corde, quand toi tu es l'arc et la force.
Vise et réjouis toi d'être libre, sois mécontent et noble lorsque ta flèche atteint son but, car il est mesquin de se réjouir d'avoir terminé. Ta gaieté sera l'éternel recommencement.

Que la compassion soit le beaume de tes vélleités pour autrui, n'offre ton amour qu'à ceux qui ont su souffrir ton élan, et qui se sont réveillés.
Les gens de bien te voudront à leur image, et quand ils verront ton déclin, ils te voudront du mal. Car le bien et le mal sont différents en apparence, mais jumeaux dans l'oeuf des vertus.
Crains les vertus qui te font douter de l'amour que tu te portes, le doute te rendra amer, face aux gens de bien en qui l'inertie et le repos fleurissent tôt et pourrissent lentement.
Mais il est inévitable que tu te dégrades, que tu sois à genoux quand d'autre bondissent, ceux qui commencent par ramper, s'élèvent et se surpassent.
Ce n'est pas d'une récompense dont tu as besoin, tu ne désires ni les yeux plein de chaleur de tes semblables, ni de sentir les multitudes en dessous de toi. La solitude de l'arbre lui permet de grandir sans les ombres et les piqüres des plus petits, et toute ta volonté doit aller dans le sens de la splendeur pour elle même. Créateur, tes branches ne sont jamais assez nombreuses, ni assez robustes, tu les envoies sans fixer aucune étoile, et ce geste est à lui seul le presque accomplissement de la beauté.

Comme tu danses, comme tu ris dans ta férocité, c'est la gaieté ardente ! En vérité, tu sais que je ne chuchote pas, mais que tous les mots sont des appels vigoureux, à toi, à lui, à elle, à tous ces autres qui naissent misérables quand nos semblables sont pierre. Ils se donnent pour heureux et solides, mais l'eau les réduit en d'infimes poussières que le vent disperse. Entends tu ? Souple et déterminée, c'est l'eau dont tu es née. Et cette griffe ? c'est le vent, et les griffes sont sur tes mains.

Si tu marches, la terre s'en souvient, si tu pleures, regarde la terre, elle t'invite à continuer de marcher.
La douleur est noble, rire est noble, surtout rire de sa douleur est souverain, car le rire est un dard qui sait mieux que nous nous aimer.

Méfie toi du ciel, il est large mais tes yeux le contiennent entièrement. L'absolu est un refuge pour tes vertiges, remercie le et quitte le. Jamais malade n'a aimé son hôpital.

Si tu es perdu, si l'espoir se tarit dans ton coeur qui a connu tous les poisons, alors cherche tes frères. L'amitié est un don, le vrai silence, la petite joie qui suppose la tienne.
Ainsi que le chaos en tout système, ton amitié jamais ne te fera diminuer, la main que tu tends doit être forte ou ne pas être.

Je voudrais encore bien te dire des choses, sur cette humanité sclérosée qui t'étouffe, et sur celle que tu préfigures, je ne dirai cependant plus que ceci :
Ce qui est digne est beau.