L'illusion des rêves ne suffirait pas à guérir les blessures de la vie quand elle est amère. Le mystère existe sur terre, mais il est tangible, et prend le nom de paramètre. Le rêve aussi a ses paramètres, mais ni le temps ni l'espace ne peuvent en définir les caractéristiques.
De toutes les façons efficaces de vivre, aucune ne me convient mieux que celle qui consiste à regarder le réel comme une supercherie, comme un voile sur l'illusion, ma véritable amie. Rien ne serait plus étrange que de renoncer à croire au réel, cette instance immédiate de la conscience, alors disons que je l'accepte, que je me soumets à ses forces, mais par derrière, quand il ne regarde plus, je lui joue des tours, je me laisse regarder au delà de ce qu'il m'offre. Et le réel n'y peut rien, il est bien forcé d'accepter ma petite résistance. Elle ne lui subtilise pas son royaume, alors il ferme les yeux.
Si la vie est une suite de paramètres, aux valeurs connaissables, j'aime penser qu'un charme puissant comme l'imagination peut effacer les frontières posées autour de ces valeurs, c'est un mirage, une duperie, mais je ne me lasserai jamais d'y croire, de poser sur ces fictions des yeux avides de connaître les autres sens, les autres sentiments, ceux qui ne sont ni plus puissants, ni plus justes, mais qui me permettent de suggérer des mirages à la réalité solitaire.
De tous les enchantements, le rêve est le plus grand. Mais il n'a qu'un seul défaut, les prodiges qui surviennent dans le sommeil, et qui s'évanouissent à mesure que l'on s'éveille sont des présents éphémères et intimes. Partager un rêve, c'est comme raconter la musique, on expose des images sans que le lien entres elles soit intelligible, et l'expérience s'avère impossible à réaliser avec un autre. Alors à défaut de l'expérience ou d'un récit assez riche, il ne reste que la chance infime d'être soi même le sujet d'une épreuve analogue.