Les fenêtres donnent sur
l'Angleterre. Mes parents sont avec toi, indifférents et
polis.
Ton empressement laissait voir
combien tu étais heureux d'être bientôt parti, car
tu ne craignais rien tant que nous étions l'un dans l'idée
de l'autre. Tu cherches tes clés, tu te précipites et
tu prends cette assurance qui n'existe pas sans moi, celle qui au
fond repose sur le fait d'être attendu.
Tu jettes un regard à l'extérieur, un rendez-vous pris avec l'extraordinaire, notre quotidien, nos petites histoires amplifiées, et voilà qu'un bus Anglais haut de plusieurs centaines de mètres t'observe. Oui, c'est bien toi qu'il observe, ton bonheur, ta jouissance, l'étrangeté même.
Quelques pas dans le couloir t'amènent à faire tes adieux à mes parents, dont tu te moques gentiment, ils ne sont pas dans l'histoire, ils ont participé à l'écrire autrefois mais aujourd'hui elle nous appartient, l'histoire du royaume sans portes.
Que n'est il pas possible de
faire lorsque nous sommes deux ?
Tu as légèrement
saisi le risque de ce voyage, un départ pour l'indéfini,
la promesse de notre complicité immortelle. Tu sors. Tu fais comme si je n'étais
pas importante, tu t'élances à travers le jardin, les
escaliers, tu dépasses le bus Anglais, et puis distraitement,
un regard et une main vers moi dirigés, pour me signaler que
ta confiance est à l'épreuve de toutes les séparations. Ma robe flotte, je suis un ange,
lavée de tous tes soupçons, de toutes les fins
prématurées, tu ne le dis pas mais tu m'aimes comme ça,
d'un petit geste et d'un sourire tout juste perceptible, il n'y a
plus de portes pour nous.
La puissance de notre rêve contenue ne s'épuise jamais, nous nous disons avec parcimonie : "j'aimerai" Et ce matin là je te dis : "je pars mais je reviendrai"