Il y a une âme là-haut, tout en haut du vide, par delà les palais de mensonges et les jardin funèbres, pour qui ma mélancolie est un lac où il fait doux. Les oiseaux charmants de l'oubli fêtent son prénom qui se mélange aux embruns des eaux dormantes. L'océan entier gît sous son petit ventre. Et moi, je regarde les nuages, les merveilleux nuages, qui naissent exactement par le hasard de ses présages.
Où croire ? Où croire ailleurs qu'en toi, ma fidèle absente, si tu ne souffles qu'aux astres sourds le secret de tes jardins juvéniles ! Le présent est si poussiéreux depuis ton interminable voyage, faudra-t-il que je dise adieu aux arbres et aux feuilles, et que je tende la main à ton étrange ami ? Seule digne de porter la liberté sur tes épaules, tu embrasses l'infini qui m'obsède et me fuit, pourtant j'aurai aimé te voir avec moi souffrir les heures imbéciles, et te sentir fragile mais vivante, enchaînée à la vérité nue ! Que n'aurait-il fallu pour que je perde la grâce et le chemin des grandeurs, et gagne le dérisoire sentiment de la fraternité ! Et qu'un corps tiède et naïf prenne la place de l'esprit parfait !
Il y a une âme là-haut... il y a un centre, un univers, la gardienne sans qui je sombre dans l'effroi ... ! Il te fallait partir avant ici-bas, avant même une halte, en me laissant comme une bête, transpirant le manque qui s'est glissé tout au fond de moi, plus loin encore que le désespoir, et je n'ai qu'une seule nourriture, ce sont les vagues qui viennent lécher les falaises abîmées, et l'arbre vigilant voudrait surprendre ton retour car tu ne peux naître que de l'horizon, la vérité est comme la pierre, et nous habitons un rocher ! Creusez tant que vous voudrez, les puits n'ont rien à nous dire, les gouffres garderont silence ! Et pourtant... qu'il me soit permis d'embrasser des certitudes avec tes lèvres en écho aux miennes, alors tous les cailloux seront nimbés de promesses généreuses en mystère, et la vie entière prendra la couleur d'un voyage sans destination.
Je n'ai de famille que ton visage indéfini, et les rêves qui portèrent ta voix comme un trésor jusqu'à mon modeste navire, et cette confiance diffuse encore, ternie peut-être par l'effort, mais que la ferveur de ton souvenir garde à jamais de la corruption. Et souvent je m'effondre, livré aux doutes puissants de l'étrange mal de vivre, avant que des profondeurs, suivant l'harmonie d'un chant orphique, tes tendresses et tes baisers me grandissent jusqu'à l'inhumain.
Il y a une âme là-haut, féconde et pure, à la manière des vapeurs d'alcool, qui me dit légèrement la mort, et ce qu'aimer veut dire. Elle est tout à la fois l'enfante, la femme et la soeur, celle qui verse sur les jardins bénis, toute la lumière de ses six ans, alors qu'un malicieux baiser palpite sur la cîme nubile de ses féminités ! Toi qui parles mon langage, et te laisses envahir, sans résister à la beauté de toutes ces choses ordinaires que les enfants regardent comme des légendes, reste un peu avec moi, le monde est vaste quand tu t'y poses, et navrant quand tu t'en vas. Mais si l'imagination ne suffit plus, si tu t'épuises en vain dans mon coeur qui pulse des histoires, alors ne sois pas triste, laisse à la pesanteur le soin d'embrasser les serpents, et pars rejoindre de tes ailes graciles les nuages mouvants.