Mr Symptôme habite un studio d'une taille raisonnable. On y trouve un lit qui permet à Mr Symptôme de s'asseoir, voire de s'allonger parfois. Une fenêtre donne sur l'extérieur, ce qui est relativement correct pour une fenêtre. Aucun volet ne vient se rabattre sur celle-ci. A la place, Mr Symptôme peut compter sur des panneaux de bois horizontaux qui projettent leurs ombres parfaitement parallèles sur le sol de son studio.
Régulièrement, d'autres personnes rentrent dans le studio de Mr Symptôme. Certains s'y attardent un peu, mais la plupart ne font que passer. Ils laissent parfois une odeur d'eau de javel ou des vêtements propres.
Il arrive également que Mr Symptôme ne soit pas dans son studio, mais dans une autre pièce. Parfois il est assis et quelqu'un lui fait face. Dans ces moments là, il y a presque toujours un bureau entre Mr Symptôme et l'autre personne. Un bureau sans rien de posé dessus, mais qui, dans l'espace de la pièce, permet de délimiter la place occupée par Mr Symptôme de celle qu'occupe l'autre personne.
Ce que préfère Mr Symptôme, c'est midi douze. Tous les matins, l'horloge du couloir indique combien de temps il reste avant midi douze. A douze heures et sept minutes, Mr Symptôme ne doit pas être dans son studio. Lorsque midi douze s'affiche sur sa montre, il est assis et attend. Puis il reçoit différents objets. Certains vont aller dans son estomac, d'autres servent à faciliter leur ingestion. Une fois remplies toutes les conditions requises pour dire qu'il a déjeuné, Mr Symptôme se lève. A la suite du passage matinal de la position horizontale à la position verticale, Mr Symptôme exécute une de ses fonctions principales. Il se déshabille et rentre nu dans la pièce sans fenêtre, où le revêtement du sol est spécialement étudié pour évacuer l'eau par un trou grillagé.
Mr Symptôme n'aime pas l'eau. La procédure de nettoyage doit pourtant être mise en route chaque jour. Mr Symptôme en a déjà fait les frais, les gains d'une manoeuvre de contournement sont inférieurs à son coût. L'humidité et les faibles températures provoquent un état désagréable, que les personnes que reçoit Mr Symptôme évaluent à trois sur dix, sur l'échelle de ce que peut supporter une personne comme Mr Symptôme.
Lorsque Mr Symptôme est nu, il peut voir devant lui, en se penchant un peu, deux jambes, deux bras et un sexe. Derrière lui, Mr Symptôme peut voir sa mère, son père, son frère jumeau qui lui ressemble, l'appartement qu'il habitait avec sa femme, le circuit de voiture qu'on lui avait offert pour noël en 1973.
Lorsque Mr Symptôme est plus attentif il voit également un petit chien qui n'a jamais eu de nom et le sexe de son père. Le petit chien était gentil, et Mr Symptôme aimait beaucoup dormir avec lui. Sa mère ne dormait pas beaucoup, elle.
Mr Symptôme a un grand frère qui est âgé de dix-neufs secondes de plus que lui. Aujourd'hui son frère n'est pas dans un studio. Il dort avec une femme, et parfois elle prend son sexe en elle. Mr Symptôme n'aime plus les chiens.
Mr Symptôme classe les individus en deux catégories, les chiens, et les femmes. Et parmi les femmes, il y a celles qui sont grandes et belles, celles qui ont les mains douces et des collants, celles qui n'entrent dans aucune de ces catégories, mais qui comme toutes les autres ressemblent à sa mère.
Si Mr Symptôme sait tout cela, c'est qu'un bureau le lui a expliqué. Un bureau qui divise la pièce en deux. Il lui a demandé de regarder derrière lui, au loin, et de revenir avec des images. Quelquefois les images accompagnent Mr Symptôme quand il sort de la pièce au bureau. Dans les couloirs, il s'arrête et sourit en pensant à son frère jumeau.
Puis il repense au sexe des femmes.
Il y a quelques années de cela, il est arrivé quelque chose de nouveau à Mr Symptôme. Alors qu'il finalisait la dernière procédure de la journée, une idée lui est venue qu'il pourrait peut-être sortir un peu, prendre l'air, fumer une clope et se barrer loin d'ici, dans un pays sans bureau et sans personne pour lui expliquer à quoi il pense.
Très rapidement, plusieurs personnes se sont retrouvées auprès de Mr Symptôme, visiblement inquietes. Mr Symptôme est très sensible à l'inquiétude d'autrui. On lui rappela son fonctionnement, le détail de ses mécanismes, les risques d'une utilisation inadaptée, et Monsieur Symptôme comprit très bien qu'il avait failli ne plus marcher comme il faut.
Rassuré, il reprit aussitôt la procédure réglementaire, et tout en fumant une cigarette sur son balcon sécurisé, pensa avec soulagement au sexe de son père, à son frère jumeau qui vit avec une belle femme et à la place qui était la sienne.