Dans les bois, l'air est sec, le chemin est un long couloir bordé d'arbres droits, fins et durs.Nous marchons.Moi, elle et un autre. Viennent d'autres randonneurs dans le sens inverse, ils ne suivent pas le chemin et ont l'air de s'en moquer. Non, en réalité ils se moquent de nous. Nous qui sommes de la ville, qui ne savons rien de la vie difficile d'hermite. Ces gens qui nous regardent passer du haut de leurs yeux enfoncés portent tous un bêret, une vieille casquette.Ils sont habillés comme de vieux hommes, des chemises, des vestes, du tissu en abondance, des superpositions grossières qui leur donnent une allure de paysan. A chaque fois que nous en croisons un, il sourit méchamment de son visage taillé par le temps autour d'un nez crochu et lance son canif juste devant nos pieds, de manière à le planter en signe d'hostilité.
La
forêt se fait moins dense au fur et à mesure que nous
avançons. Bientôt nous arrivons dans un parc tel qu'on en
trouve derrière les chateaux français du 18eme
siècle. Avec un joli labyrinthe en buis sur plusieurs
niveaux. Or
l'animosité provient à présent de nains qui
arrivent par dizaines autour de nous, et puisque je suis pris pour
cible plus particulièrement, de moi.
J'arrive
à m'échapper, en sautant d'un niveau à l'autre
du jardin, parfois un nain m'attrape un pied mais je parviens
toujours à le repousser.
Puis il ne reste qu'un nain, les autres sont éliminés, disparus.Celui ci m'en veut farouchement mais n'obtient pas de m'avoir, avant ça je le tue, d'une façon qui m'est inconnue, mais je sais qu'il meurt et que j'en suis la cause. Il s'écroule juste devant moi. Mais son corps ne touche pas le sol, il reste enfermé dans cet état d'agonie et flotte vers moi, je deviens petit.
Je deviens petit et le nain est au dessus de moi, il tombe. Je ne peux plus bouger. Derrière mon genou droit je sens l'incision d'une lame sur ma chair, puis l'acier pénètre dans ma jambe et je sens que mon sang s'écoule rapidement. Il n'y a plus de nain, mais je vais mourir, parce qu'on vient de me poignarder, c'est la fatalité, je n'ai pas mal mais la mort ne s'inquiète plus de me voir manquer son rendez-vous.
Tout
est clair, il n'y a plus d'angoisse, personne ne m'en veut.Je suis
chez moi. Seulement il ne me reste plus longtemps à vivre, que
faire sinon chercher de l'aide ? Je
frappe aux portes les plus proches du pallier en dessous du mien.
Personne ne vient alors qu'une présence humaine au moins est
confirmée par des voix et des bruits de pas. Consciemment je
pense que c'était là des gens bien sympathiques et en
qui je pouvais compter.J'essaye une autre porte. Cette
fois je ne recevrai pas de réponse, c'est une
certitude.Pourtant la porte s'ouvre et un homme pitoyable, sale et
sous l'effet d'un alcool dont il tient encore la bouteille à
la main s'avance et me propose de m'aider. Je
dois laisser ma répugnance de coté parce que je crois
que je veux vivre, enfin je n'en suis plus sûr tout à
coup, est ce que la société d'un type pareil ne m'est
pas plus néfaste ? L'homme
s'inquiète effectivement de moi, mais refuse d'aller à
l'hopital, il me ramène chez moi, vérifie l'état
de mes relations familliales, prend le poul de mes performances
scolaires, amoureuses, résume ma vie à peu de choses
près. Il
lui semble qu'il y a un travail considérable à fournir
sur tous les plans, mais que ce n'est pas bien méchant et ne
mérite pas qu'on s'en inquiète.
Sur
ces paroles rassurantes, je meurs.