Nostalgie

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Que reste-il de nos jeunes années ?

Peut-être qu'une vieille photographie d'une énième convention d'animation japonaise voudrait prendre la parole ? Ou bien serait-ce cette console de jeu qui s'en chargera ? L'une et l'autre reconnaitrons sans doute l'importance de tous ces endroits où nous avons délibéremment été amputé d'un peu de nous même. Ces salons où nous dormions sans fermer l'oeil, à rire aux éclats du soleil qui, ponctuel, achevait de nous faire perdre la tête. La tête enfouie sous les tracas, sourds aux injonctions du monde de ceux qui ne supportaient ni notre attachement à la nuit, ni son bruit, tragédie en trois actes teintée de syncrétisme nippon, nous t'aimions, toi et ces mondes à sauver. Je me souviens, cette fraternité qui nous liguait contre l'hébétude dressée en spiritualisme, nous n'étions pas saints ni brillants, mais nous avons su emprunter d'autres voies hiérarchiques, d'autres sources d'acquisitions. A vous le monde, à nous tout ce que son ombre dissimulait. Les héros n'avaient pas grand territoire, et leur renommée voletait sans prétention, pourtant, le soir venu, toutes les étoiles convergeaient à travers des milliers de kilomètres, bravant géographie et politique, et nous nous retrouvions, célestes, pour rire un peu de cette masquarade, nos costumes au placard.

Un ange infirme... A-t-il seulement existé ? Lui, son île et l'ivresse... Maîtresse ivresse...
Tout se brouille, que reste-t-il ?
Je suis au centre, le nouveau, le bleu, imprévisible et défiant les codes. Je m'assoie à part, conservant ma candeur et ma bile, prête à ronger les os de l'indiscrétion. Entre temps, joue pour moi une voix aux accents excentriques, elle n'a de corps que mon imagination, un baiser factice lui donne vie un soir de janvier, et dans la bouche ce goût de fatigue et d'ennui, ou serait-ce l'odeur du métro ? Peu à peu mes ailes m'indisposent. Sur terre le dégoût est patient, je prends pieds et je l'épie. La ville me cache le ciel. J'étudie, sérieusement. Je suis près de toi mon amour, cependant si loin du cénacle que j'en meurs.

Les visages changent, m'écoeurent, puis m'apprivoisent, comme un bon sauvage à qui l'on apprend à jouer des tours. Sur le sol aussi, il y a un peu de lumière, là-bas, entre ces deux chemins que les plus hautes branches ombragent. C'est ainsi que l'on est quand on est aimé ? Le maelstrom vient dans mes rêves, me raconter ce que je ne vois plus, quand dans mes veines, roulent les larmes des démons. Je les aime eux aussi, moins difficilement que je ne conserve ma vertu, fragile petit phare sur ton îlot esseulé, que les vagues emporteront bien vite, ne veux-tu pas d'un endroit où t'installer confortablement ? Les falaises s'élèvent au bout de mes doigts, un arbre les domine,que cache-t-il ? Les rires et les amours, l'amour même, mélodie de mes jeunes années, emporte les loin de moi, parce que je les chéris.

S'émoussent les abords des secrets, les énigmes se muent en prière, en supplication pour un éternel regard, un peu d'harmonie, une condescendance usée à outrance. Je suis un acteur, un seul. Aimer et mourir, épitaphe de mon agonie, vestiges et pleurs. Le temps transforme la plus ardente des passions en une grille de mots-croisés, la dictature des organisations, gestions et simulations me donne le vertige. Responsabilité tu n'es que prévisibilité disait l'ancien, qu'importe... tous s'en dégagent, je ne suis pas roi, ni fou, je ne suis qu'un modeste pion.

Les nuits subsistent, et nous nous livrons avec le coeur à ces jeux qui consistent en l'éléction d'un moment privilégié, nous rêvons, mutuellement pardonnés d'être sans consistance. Reste que le corps ment un peu moins, et qu'il nous accuse, inquisiteur charnel, de n'avoir su retenir l'exercice de nos jeunes années, de ne pouvoir donner à la séduction un étrier pour galoper, toutes brides dehors, entre les cuisses et sous la peau qui ne palpite plus désormais qu'en suffoquant, substances d'accompagnement vers la peur, dragées de l'inconscience, où sommes nous ?

Vieux et épuisés, nous avons vécu, un peu, nous n'en dormirons pas mieux quand viendra la nostalgie, vénéneuse plante aux aiguilles charmantes, qui du coeur viendra découdre la trame, pour y ajouter, laine de verre, cette phrase maudite : Je suis hier.