Je suis nostalgique de cet été où
je n'étais pas jeune et insouciant, sur cette plage, mes
lèvres débordant d'amour et de concupiscence. Je suis
nostalgique de ces soirées imbéciles dont on ne revient
pas, ces nuits orgiaques à fantasmer sur la petite brune et
ses gros seins. Je suis nostalgique de ne pas avoir laissé
mes empreintes au près des votres, quand vos visages brûlaient
de convoitise et d'impétuosité. Je suis nostalgique
de ces années qui défilent et me condamnent au mieux à
partager vos souvenirs. Je suis nostalgique de cet autre qui n'a
pas pris la peine de regarder dans votre direction.
Je suis
nostalgique de ceux que vous étiez et deveniez, quand
l'incertitude vous affranchissait de toutes vos responsabilités.
J'ai les yeux à la fin des temps, mon âme séjourne dans vos jardins perdus. Je suis hier, un autre hier, qui suis-je ? je suis passion pour votre mythe, ma ferveur s'amplifie à mesure que s'effondre votre ambition d'être autre chose. Je vis vos restes, je les dévore, je reconstitue les mailles de vos jeux cérémoniels, je suis l'historien et le conservateur, j'ai dans ma chair le souvenir de votre triomphe. Mais je ne goute pas à l'hydromel.
De l'ivresse je recueille les larmes amères, les coeurs désenchantés, que chacun garde comme un secret au fond des mots. De votre patience, je suis le fossoyeur. Je vais à la vitesse de vos éclats et j'enterre les mouvements qui s'épuisent, je suis fraction d'intemporalité et je me précipite à votre poursuite, vous qui êtes déjà assis. Je cours pour rattraper ces autres que l'infini ravale, mais qui-suis je pour prétendre à l'éternité de votre compagnie ?
Tous les efforts sont vains à présent, il n'y guère plus d'enfants pour jouer avec moi, et pourtant je voudrais encore courir et cracher au monde, tout l'acide qui me ronge les mémoires d'un autre qui était hier.