Nous sommes deux, moi et cette charmante jeune femme dont j'ignore tout. Nous fuyons. Une course effrenée pour échapper à un truc vaguement dangereux et potentiellement mécontent de notre idylle.
Ma compagne s'exprima la première :
-Oh, mon amour, libère moi de ce fardeau pesant sur mon existence dont les dernières minutes me font dire qu'elle n'est pas si triste que ça.
-Nous nous approchons de cette île dont je t'ai si souvent parlé, ce lieu fabuleux et onirique qui n'accepte sur ses terres que les amants et les misanthropes, les fous et les enfants. Nous y serons à l'abri.
-J'ai follement envie de m'ébattre avec toi sur le sable de ses plages, tu sais.
-C'est b*Driiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin* je crois.
Le monstre à notre poursuite, dont la représentation varie du prétendant légitime de la belle à un fléau planétaire, fini par s'essouffler et s'assoie sur un banc. Et encore une fois, ce son désagréable se fait entendre : *Driiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin*
Par le truchement d'un petit coup de pouce cérébral, les deux jeunes gens dont je tiens le rôle masculin, arrivent en vue de ce qui est supposé être une île à l'écart du monde et de sa population idiote.
Elle est formé par*driiiiiiiiiiiiiin*ensations chaudes et confortables à l'extérieur et, une impression d'évasion envahit quiconque franchit la partie centrale.
Aux abords de la forêt particulièrement dense, nous nous étendons sur le sable légèrement humide pour nous révéler l'un à l'autre.
-C'est idiot, dit-elle, j'ai toujours pensé que tu n'avais pour moi qu'un léger mépris teinté d'indifférence.
-La vie est ainsi faite, tu aurais renversé ce mépris si je t'avais d'abord offert la certitude de mes sentiments.
-Oh, mais maintenant pensons à demain ! Tu crois qu'à nous deux, nous pourrions....
Il lisait dans ses yeux le reste de la phrase. Alors il continua :
-Renverser l'ordre du monde, nous liguer contre la sottise humaine, parcourir les étendues mystiques de l'innommable dimension éthérée des songes, nous aimer, tout simplement ?
Après un temps il lacha en accrochant son regard quelque part dans le lointain, le sourire orgueilleux :
-Bien entendu. Et cette seule phrase suffit à vaincre les dernières réticences de la belle.
-Mon *driiiiiiiiiiiiin*...
Alors que le rêve suivait un cour si parfait, une image succincte vint se loger dans quelques neurones de mon cerveau gauche.
*driiiiiiiiiiiiiiiin*
La belle enveloppa son amant assoupi de ses bras et laissa glisser ses cheveux (et toutes ces choses subsidiaires qu'on y trouve) dans le creux formé par ses épaules et son cou. C'était l'heure des projets, des promesses et des rêves de l'amour qui débute.
-Demain, je dresserai un dauphin p*driiiiiiiiiiiinnn* le dîner, en revanche pour le wifi je ne suis pas certain que tu puisses lire tes mails avant quelques mois.
Déja la belle ne l'écoutait plus, elle chercha sur le sable une position plus...horizontale.
-Je vois que tu profites d*driiiiiiiiiiiiiiiiiiiin* être pas une raison pour que tu t*driiiiiiiiiiiiiiiiin* soleil tape dur à cette heure ci, enfin moi ce que j'en dis hein.
Dans son plus simple appareil, l'empourprement de ses joues contrastait avec sa peau si peu exposée aux rayons ardents du soleil.
Et toujours si délicate dans chaque petit geste, qu'il en vint à se dire qu'il était bien plus nu qu'elle.
*driiiiiiiiiiiiin*
Il approcha lentement, caressa tout du long, la ligne d'ombre que formait l'espace entre ses jambes, et voulu desceller l'envie qui occupait à présent chaque cellule de son corps, par un baiser qui n'avait pas à envier son ardeur au soleil.
*driiiiiiiiiiin*
Toutes les cellules ? Hélas non, un petit neurone faisait de la résistance, et croyant bien faire, prévint ses collègues les plus proches d'une idée qui lui était venue comme ça, alors qu'il profitait de sa pause nocturne.
driiiiiiiiiin*
-Hey les copains, hohé j'ai pensé à un truc, dites, ce serait pas des fois une sonnerie de téléphone là que je reçois en arrière fond de l'activité du cerveau central postérieur ? Non parce que ça y ressemble drôlement. Alors on pourrait, genre, transmettre l'information et puis mettre fin à l'activité onirique non ? C'est une chouette idée les copains, vous trouvez pas ?
Et c'est ainsi que de fil en aiguille, de neurone en neurone, et de mauvaise volonté en bonne volonté, le cri strident du téléphone m'arracha à mon rêve.